À un an d’une consultation électorale qui mobilise déjà toutes les énergies, le Sénégal est dans l’impasse.
Les détentions massives de militants de l’opposition ont fini d’écorner l’image d’une justice encore sur la sellette du fait de nombreuses complaintes des organisations de droits de l’homme. Il semble que le monde enseignant est le plus décimé d’autant que l’essentiel de la masse critique qui écume les partis politiques provient de l’école et de l’université. Il va de soi que ces arrestations tous azimuts n’aident nullement à avoir une bonne lisibilité de la situation politique.
Pis, cela concourt à accentuer cette crispation de l’espace public qui a fini d’installer un climat délétère voire anxiogène. C’est vrai qu’un Leader comme Khalifa Sall poursuit sans tambour ni trompette sa tournée nationale mais il semble que l’ancien Maire de Dakar n’a pas l’aura de Sonko qui a pour sa part réussi le tour de force d’imposer cette bipolarisation extrême à l’origine de la tension diffuse perceptible surtout dans la capitale.
Une chose est sûre : du côté du pouvoir comme de l’opposition dite significative, il faut gérer la situation actuelle du Sénégal avec responsabilité. Le troisième mandat ou second quinquennat( c’est selon !) est visiblement au cœur de la vive polémique et de cette impasse dans laquelle se trouve un pays importateur net au creux de la vague. De ce point de vue, les appels à la raison pour l’instauration et la consolidation de la culture de la paix tombent à pic.
Touba, Tivaouane et récemment l’Eglise et les Layenes ont sonné le tocsin pour sensibiliser notamment l’actuel Leader de l’opposition. Ce n’est sûrement que la partie visible mais il est évident que les Chefs religieux ont dû échanger en coulisses avec le Chef de l’Etat surtout que pour des raisons de préséance et de respect de la plus haute personnalité de l’Etat, il ne saurait être question de faire de la diplomatie sur la place publique. Il ne s’agit point de jouer les Cassandres mais il faut avoir la lucidité de reconnaître que les nerfs sont à vif au vu d’un durcissement de la parole publique qui va crescendo. Le rôle central de la presse, la société civile et les organisations internationales n’est pas à occulter.
Encore que ces segments importants de notre vivre-ensemble n’ont pas vocation à faire dans l’indignation ou encore les condamnations à géométrie variable. Le cas échéant , ils se disqualifient de fait pour faire place nette à la cacophonie.
En vérité nous n’apprenons pratiquement rien de l’Histoire. Les mêmes problématiques institutionnelles et politiciennes vécues en 2000 ou en 2011 ressurgissent toujours. Autrement dit, elles reviennent par la fenêtre sous une autre appellation. Nous sommes tous responsables; la classe politique en premier lieu. Elle n’a jamais su ou voulu se renouveler. Avec surtout ce système éprouvé de vases communicants qui permet aux acteurs ayant déjà fait la preuve de leur incurie de rebondir pour goûter de nouveau aux délices du pouvoir en narguant le pauvre peuple qui les avait déjà sanctionné.
C’est là une marque déposée du pouvoir au Sénégal mais aujourd’hui Sonko lui même pratique un tel système pour avoir recyclé des reliques du pouvoir Wadien.
C’est à croire que l’espace politique est frappé d’une pénurie de cadres ou de profils neufs compétents et » désintéressés »
Exit les joutes épiques sur fond de développements idéologiques…
Seule compte la danse du ventre et le militantisme alimentaire.
Résultat des courses ; c’est le spectacle pathétique du » Lambi Gollo », de la mauvaise foi, la manipulation et la guerre des gros mots; loin des idées élaborées et constructives.
Ce qui fait que le discours politicien verbeux l’emporte largement sur le débat lié au développement économique et social.
Du haut d’une tribune de sachants à Rabat, l’ancien ministre de l’agriculture Papa Abdoulaye Seck a pourtant rappelé citant Jean-Jacques Rousseau:
« Le seul moyen de maintenir un État dans l’indépendance des autres est l’agriculture. Eussiez-vous toutes les richesses du monde, si vous n’avez de quoi vous nourrir vous dépendez d’autrui ».
Une véritable lumière sur ces chemins sinueux empruntés par les politiciens professionnels.
Mamadou Lamine DIATTA ( journaliste)